Présentéisme : une autre face de l’épuisement professionnel ?
On connaissait l’absentéisme. Voici le présentéisme.
Alors que l’absentéisme est souvent pointé du doigt comme une source de pertes financières importantes pour la collectivité et pour les dirigeants d’entreprises (certains n’hésitent d’ailleurs pas à organiser des contrôles pendant les arrêts maladie de leurs salariés, pendant que d’autres continuent d’exiger du travail de leur salariés en arrêt), avoir des salariés présents mais malades et/ou démotivés serait en réalité deux fois plus coûteux pour les sociétés.
Mais qu’est-ce que le présentéisme ??
La notion de présentéisme a fait son apparition depuis quelques années en Amérique du nord.
Le terme désigne la présence physique d’un salarié à son poste de travail, mais, à défaut d’un état de santé physique ou mentale satisfaisant, la qualité de son travail et sa productivité sont en berne. Le salarié fait « acte de présence » mais n’est pas performant.
Dépasser ses horaires en permanence, arriver tôt ou partir tard, travailler le soir et le week-end pour témoigner de son engagement, ne pas prendre ses congés, faire acte de présence sans avoir la « tête au boulot », venir au travail même malade, … sont autant de signes du présentéisme. La présence excessive au travail est un symptôme de dysfonctionnements qu’il faut apprendre à décrypter en faisant du travail un objet de débats et d’échanges.
Le terme « présentéisme » renvoie à des acceptions différentes :
- Etre présent sur son lieu de travail mais « de manière paradoxale », sans engagement, sans être complètement en possession de ses moyens : perte de concentration, perte de sens, démission intérieure, retrait de la vie sociale de l’entreprise…
- Etre présent de manière excessive (dépassement d’horaires, travail hors de l’entreprise le soir et les week-ends) : surengagement et surinvestissement, perte des frontières travail/hors travail. Les cadres sont particulièrement touchés par cette forme de présentéisme.
- Etre présent en mauvaise santé de manière volontaire et assumée ou de manière involontaire : forme de surengagement, de crainte de perdre son emploi ou par solidarité avec les collègues qui pourraient se trouver avec une surcharge de travail du fait de l’absence.
Comment expliquer cette montée du présentéisme ?
Plusieurs hypothèses :
- Tout comme l’absentéisme, le présentéisme trouve son origine dans des dysfonctionnements organisationnels
- En période de crise, toute absence devient problématique, à la fois pour l’entreprise et pour le salarié lui-même. Le présentéisme est donc une façon de montrer à son patron une forte implication dans le travail. Ce faisant, le salarié peut être entraîné dans un sur-investissement au travail qui, petit à petit, conduira à un état d’épuisement émotionnel, à une décompensation brutale, à un burn-out.
- L’accroissement des exigences du travail et le renforcement de la concurrence pour des postes qui se raréfient se traduisent parfois par des temps de présence excessifs au travail.
- Enfin, le salarié, parce qu’il vaut mieux avoir un emploi plutôt que risquer le chômage, peut être présent à son poste mais subir une sorte de «démission intérieure»…
Alors que le taux d’absentéisme est de 4,53% (taux national en 2012), certains experts en qualité de vie au travail, estiment que le taux théorique de présentéisme peut être compris entre 6,34% et 9% de la masse salariale. Le coût caché du présentéisme serait de l’ordre de 13 à 25 milliards d’euros par an ! Une somme intégralement supportée par les entreprises, alors que la collectivité prend en partie le coût de l’absentéisme.
Des signes à identifier
Plusieurs éléments doivent alerter les managers :
- les heures supplémentaires systématiques,
- l’explosion des comptes épargne-temps
- l’impossibilité de prendre des congés,
- des flux d’information (mails…) tard le soir ou le weekend, etc. (l’utilisation des nouvelles technologies de communication facilite les échanges mais participe aussi à un brouillage entre les temps professionnel et personnel des salariés).
Ces signes sont significatifs d’une charge de travail excessive et de l’impossibilité de décrocher.
Que faire ?
- Identifier les dysfonctionnements de l’organisation du travail à l’origine de ce comportement et faire du travail un objet de débats et d’échanges
- Encourager les retours d’expérience, organiser des controverses constructives sur leur travail
- Réfléchir à la qualité de la présence des salariés, aux processus de coopération entre eux
- Organiser des espaces de discussion sur le contenu du travail, de façon individuelle ou collective : pointer une mauvaise gestion des flux de dossiers, une mauvaise planification des tâches ou une mauvaise répartition de la charge de travail…, non pour réprimander mais pour comprendre et échanger sur le travail réel
- Assurer une meilleure régulation de la charge de travail (quantité de travail, charge émotionnelle du travail, etc.).